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« Toute une vie pour en arriver là » Chroniques funéraires
13 février 2015

Si Cerbère te demandait de prendre sa place

certif décès

Elle a l'air un peu azimuté quand elle rentre dans mon bureau. À la fois sûre d'elle-même, de celle qui s'est répété tout le long de la route ce qu'elle devait demander, et qu'elle doit obtenir sous n'importe quel prétexte, et perdue dans une mission qu'elle ne comprend pas bien.

Les mots s'emmêlent, entre ce qu'elle a compris et ce qu'on lui a dit sans vraiment le lui expliquer.

Il y a, à l'autre bout de la chaîne que nous commençons à former dans mon bureau, un médecin, venu ce matin chez elle, constater le décès de l'être aimé.

Constatant ce fait et le verbalisant, ledit médecin à dû sans doutes fouiller ses poches, ou sa mallette en faux cuir vieilli et résolument vide, à la recherche du sésame des décédés. Petit formulaire bleu signant définitivement l'avis de mort oralement énoncé quelques instants plus tôt,qui ne pèse pas grand chose, qui ne sert pas souvent, mais que tout médecin se doit d'avoir en toute circonstance. A fortiori quand il se rend à domicile constater un décès.

Notre bon médecin du jour, sous le coup de l'émotion sans doutes (avouons le, oui, ok. Un bon médecin est là pour soigner les maux, et non signer les morts. Manque de pratique ? Refus de voir la réalité ? Ou mauvaise nuit ? Qu'importe) sous le coup donc d'on ne saura jamais quoi, n'a pas pris soin d'avoir sur lui, son sésame à défunt, certificat de décès de son état. Qu'à cela ne tienne, la mairie, tout bon médecin sait ça, en détient !

Mais pourquoi ces mots aujourd'hui ? Pourquoi cet écrit et cette introduction sous un air azimuté ?

Parce que, ma bonne dame, plutôt que de déplacer ses basques vides de médecin tête en l'air, notre bon (méthode Coué pour ne pas l'assommer de grossièretés) docteur a préféré envoyer la veuve fraîchement éplorée, réclamer un papier qu'elle ne goûtait même pas.

Il aura fallu quelques minutes d'investigations et de questions sensibles pour enfin comprendre et, choqué, lui remettre ce putain de certificat, ce putain de papier bleu qu'elle maudira jusqu'à la mort, la sienne. Ruminer, exploser intérieurement et lui dire finalement, que c'était son job à ce foutu médecin, d'avoir ce papelard sur lui, ou bien de venir le chercher par lui-même. Qu'il ne peut être remis qu'à un médecin, et pour cause : non content des informations confidentielles qu'il contient, il est aussi le symbole de l'arrêt brutal d'une vie et du démarrage d'une douloureuse série administrative. Il est le premier papier qui déclenche toute la procédure qui précède le deuil. Et aujourd'hui, mon azimutée, elle avait bien mieux à faire que de s'occuper d'assurer les arrières d'un médecin pas prévoyant.

Le premier boulot d'un médecin, c'est de soigner les vivants. En n'assumant pas également sa job auprès d'un mort, celui-là a juste commencé à enterrer un vivant. Chapeau bas monsieur.

pour info : http://www.conseil53.ordre.medecin.fr/node/4592

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