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« Toute une vie pour en arriver là » Chroniques funéraires
29 décembre 2013

L'urne vagabonde

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Milieu de semaine. Fatras administratif et état-civil en pagaille (appelez moi Lilou. Réduction d'effectifs et reconnaissance fonctionariale en berne, votre serviteur est en effet contraint de cumuler les postes. Ça fait toujours bien dans un CV mais les heureux nouveaux parents ont parfois quelques difficultés à venir déclarer leurs nouveaux nés au milieu de la déco tombale de mon bureau. Bref)

Une administrée vient me voir, quelques peu gênée, n'osant dire tout à trac qu'un défunt inconnu a pris ses quartiers dans la jardinière de son époux décédé.

 

Un squatteur madame ! Là, au milieu de mes pensées !

 

Délégation tombale, allons constater cette infraction.

 

' Ronde et joufflue, noir de jais, silencieuse… Dans la jardinière repose donc l'urne d'un inconnu. Elle est froide dans nos mains qui la manipulent, cependant qu'emplie du feu qui a vu disparaître cet homme. La plaque scellée sur celle-ci, comme l'exige la législation (nos morts sont en effet entourés de tout un fatras de lois. Passionnantes lectures au demeurant, reflets de nos craintes et traditions) nous renseigne sur l'identité du disparu ainsi apparu. Un nom de famille et une date, ainsi que le lieu de sa dernière fiesta incendiaire.

Le Sherlock des cimetières reprend du service et l'on apprend bien vite que sa dernière famille repose bien dans mon cimetière, à quelques mètres de la jardinière qui nous l'a dévoilé. Sa tutrice manifestement  lassée de tant d'années à son service, a finit sa mission tout de même, respectant (à quelques empotements près) cette dernière volonté que d'être enterré auprès de sa famille (oui, une urne ça s'enterre aussi, on y reviendra) A sa manière à elle quoi.

L'urne a cette particularité qu'elle ne nous ramène qu'assez difficilement au statut de trépassé, au corps, à l'humain qu'était son contenu avant d'en arriver là. Ce qui explique sans doutes, qu'en guise d'obsèques, notre infortuné n'aura eu droit ce jour là, qu'à un rempotage express au milieu des pensées qui ne lui étaient même pas destinées. 

A l'aise mémère, sans prévenir personne et sans se douter du drame qui en découlerait. Parce que bon, les pensées ont un peu morflé sur le coup. Sans parler du choc émotionnel dont on entend encore parler, des années après. Si les morts pouvaient parler, j'aimerais bien que l'époux lui dise de la fermer un peu, à coup sûr madame, il s'insurgerait lui aussi tout autant (" Allez vous en, c'est MA maison"… Une sucette à celui qui me trouve l'origine de la citation. Maman tu ne joues pas, merci pour les autres)

 

Bien sûr, le temps de trouver l'origine et par conséquent la destination de notre urne vagabonde, il a fallu lui trouver une maison d'accueil. Mon bureau étant proscrit (trop sentimental, je risquerais de m'y attacher. Non, vraiment, trop risqué), une case de columbarium vide lui fût gracieusement allouée. Enquête et tralalas, coups de fils en tous genres et au final, prise de décision : va bin falloir l'inhumer cette urne bordel ! 

Notre cendrillier n'ayant à ce jour plus de famille vaillante ni vivante (l'un allant difficilement sans l'autre mais pas inversement) c'est à nous, commune, que reviennent tous pouvoirs dorénavant quand à son dernier logis, sa dernière cérémonie, ses tous derniers adieux. Il ira donc, respect des dernières volontés oblige, rejoindre sa famille sur autorisation municipale et larmes en coin. Reste à déplacer le monument siégeant sur ses défunts parents, ouvrir le caveau accueillant et remettre tout ça en place après y avoir déposer monsieur notre vagabond.

Le marbrier officiant en face du cimetière, âme même, seule vivante, de ce lieu, qui l'habite depuis, pfiouuu…des générations, s'est proposé alors gentiment d'ouvrir la tombe visée et d'offrir enfin à notre squatteur de pensées, la demeure qu'il a toujours mérité.

Ainsi s'arrêta la courte ballade de l'urne. Et notre épouse aux pensées déflorées pût enfin retourner aux empotés maritales, sans autre squatteurs que les patentés rosée du matin ou quelques fouines curieuses (contre lesquelles, non madame, je ne ferais rien. Pas vues, pas prises, mes fouines peuvent dormir tranquilles, elles)

 

 

//

 

 

Il n'est cependant pas rare, de trouver, aux entrées des cimetières, des urnes là, lasses de voyager, abandonnées au bons soins du gardien (si présent)
Notre vagabond a eu cette chance, lui, d'être en terre connue et d'y avoir demeure à son nom. Les autres moins chanceux, seront généralement dispersés au sein des jardins créés à cet effet.

 

 

 

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Commentaires
G
C'est la nouvelle formule du revenant!
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