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« Toute une vie pour en arriver là » Chroniques funéraires
17 octobre 2017

La veuve joyeuse

Elles sont nombreuse à les avoir enterré.

Ces maris tant aimés.

Elles sont plus nombreuses qu'eux, plus visibles aussi.

Mes veufs ont la peine discrète et s'enterrent bien vite, d'abord dans la solitude, puis dans la mort.

C'est ainsi.

Les veuves sont plus visibles, plus résistantes, plus nombreuses.

Elles semblent s'accrocher à la vie, d'abord par leur tristesse. Vivant par la perte, vivant par l'absence.

Elles bichonnent, ne s'arrêtant pas aux fleurs ; multipliant les épitaphes. Les colorant d'oiseaux, de croyances, de poésie.

 

Elle parmis tant d'autres.

"Je ne t'oublierais jamais"

Elle portait un tailleur vert à son enterrement.

"Que de vie dans cet espoir coloré. Que d'indélicatesses" soufflaient les allées habités des habituées ce jour-là.

Ce tailleur qu'il aimait.

"Je ne t'oublierais jamais"

La tombe n'a jamais cessé de vivre, peinte de mille couleurs florales renouvellées quasi chaque jour. Des marques de son passage autour de la petite plaque. Des cailloux, des angelots, des coquillages .Non, elle n'a jamais oublié.

Et puis les visites se sont espacées. Mais les couleurs n'avaient jamais le temps de fâner. Elle ne s'est pas laisser fâner elle non plus voilà tout.

Elle a emmené son petit tailleur vert en croisières. L'a fait voyager. Vivre. Pour se retrouver, se rencontrer à nouveau. Et rencontrer, à nouveau.

Ça jasait autour du petit tailleur vert. Ça jase encore plus. Foutu tailleur vert.

 

Aujourd'hui ils viennent à deux. Il l'attend à l'entrée. Il papote avec les oiseaux sous le noyer de l'entrée, pendant qu'elle vérifie que la tombe là haut ne soit pas fânée.

Y'a moins de couleurs, les fleurs ça s'abîme bien trop vite quand on vit.

Autour de la petite plaque un peu bancale, c'est persistant, une armada de plantes grasses et de petits conifères. Ça s'abîme moins vite.

Et puis...

C'est vert.

Elle redescend l'allée, toujours en souriant.

Sa vie est jolie.

Elle est heureuse et elle retrouve en bas, l'homme qui lui a appris que l'on pouvait aimer deux fois.

Sans pour autant oublier.

"Je ne t'oublie pas" croit-on lire dorénavant sur la plaque un peu vieillie, qui perd de sa superbe et quelques lettrages.

 

Ma veuve joyeuse n'a pas de leçon à donner. A personne.

Elle porte sa peine à la même bandoulière que son bonheur.

Le tout sur un superbe tailleur vert.

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